L’application de mesures de réanimation est indiquée lorsque la réanimation a des chances de succès et si le ou la patient.e capable de discernement ne s’y est pas opposé.e. L’évaluation du pronostic individuel est toutefois difficile. Dans de nombreux cas, les perspectives pour une survie de qualité après un arrêt circulatoire sont faibles et souvent, la volonté de la personne concernée n’est pas connue. Avec ses directives médico-éthiques «Décisions de réanimation», l’ASSM propose des recommandations sur la manière de procéder dans différentes situations.
L’interruption de l’apport en oxygène au cerveau suite à un arrêt circulatoire exige une intervention immédiate. L'évaluation du pronostic individuel est particulièrement difficile dans une situation aiguë et souvent la volonté du ou de la patient.e. n’est pas connue, peu claire ou pas documentée. Les professionnel.le.s de la santé peuvent alors être en proie à un conflit entre le devoir de sauver la vie d’un.e patient.e, celui de ne pas lui nuire et le respect de sa volonté. Pour les proches, il est souvent très éprouvant de prendre une décision par procuration. Toutes les personnes concernées peuvent être confrontées à un dilemme lorsque, après l’introduction de mesures de réanimation, il s'avère que celles-ci n'étaient pas pertinentes ou que le ou la patient.e ne les avait pas souhaitées.
Afin de soutenir les professionnel.le.s de la santé, l’ASSM a publié en 2008 des directives médico-éthiques à ce sujet. Celles-ci ont été entièrement révisées en 2021 en tenant compte des développements les plus récents et des dernières découvertes scientifiques. Pour la mise à jour des données, l’ASSM a chargé Cochrane Suisse d’élaborer une synthèse des évidences scientifiques en vue de la révision.
Les directives révisées émettent des recommandations sur les situations dans lesquelles les mesures de réanimation sont pertinentes et celles dans lesquelles leur application n'est pas recommandée. Elles formulent également des lignes directrices quant à la manière de procéder dans différentes situations d'arrêt circulatoire aigu à l'intérieur et à l'extérieur de l'hôpital. Elles proposent, en outre, un support aux professionnel.le.s de la santé pour l’entretien sur les mesures de réanimation avec les patient.e.s et les proches et formulent des recommandations pour le suivi des personnes réanimées.
FAQ concernant les principaux contenus des directives
Quand une réanimation est-elle considérée comme réussie?
Selon les directives, une réanimation considérée comme réussie ne se limite pas au rétablissement de la circulation spontanée (ROSC; return of spontaneous circulation) et à la survie du ou de la patient.e jusqu’à sa sortie de l’hôpital. Ce qui est déterminant, c’est que la personne puisse vivre sans séquelles neurologiques sévères et avec une qualité de vie qu’elle juge satisfaisante. Pour l’évaluation de l’état neurologique, les directives se basent sur la classification dite «Cerebral Performance Category». Néanmoins, ces critères ne reflètent pas toutes les conséquences possibles à long terme. Pour évaluer le résultat d’une réanimation, le vécu subjectif respectivement la satisfaction du ou de la patient.e avec sa (nouvelle) vie sont des facteurs tout aussi importants.
Comment le pronostic est-il évalué pour un individu?
L’évaluation du pronostic est particulièrement difficile. On dispose de données sur des collectifs de patient.e.s, mais souvent celles-ci ne permettent pas de tirer des conclusions précises pour les cas individuels. Pour évaluer le succès d’une réanimation, on utilise quelquefois des systèmes de scores qui quantifient les déficiences et/ou les maladies préexistantes. Les chances de survie après un arrêt circulatoire sans séquelles sévères restent faibles. Néanmoins, ces dernières années, la proportion de réanimations réussies avec un résultat neurologique satisfaisant a augmenté. Trois facteurs y ont largement contribué: 1) l’amélioration de la «chaîne de sauvetage», 2) une meilleure connaissance des facteurs pronostiques défavorables et 3) une certaine détabouisation de ce thème, qui a encouragé la recherche et la documentation de la volonté du ou de la patient.e et diminué les tentatives de réanimation avec des résultats défavorables.
Quand une tentative de réanimation est-elle dénuée de sens?
Une tentative de réanimation est considérée comme dénuée de sens si, du point de vue du pronostic, une prolongation de la vie à court ou à moyen terme avec une qualité de vie acceptable pour la personne concernée est exclue avec une probabilité élevée.
Quels rôles jouent des facteurs tels que le sexe, l’âge, les comorbidités?
Les directives stipulent qu’il existe des différences significatives entre les sexes. Ainsi, selon certaines études, la survie à long terme des femmes victimes d’un arrêt circulatoire en-dehors de l’hôpital est plus faible. Ceci s’explique par diverses causes (auxquelles il est possible de remédier), par exemple le fait qu’après un arrêt circulatoire, les femmes bénéficient moins souvent d’un diagnostic invasif et d’un traitement médicamenteux ou de soins intensifs. L’âge avancé et la vulnérabilité sont des facteurs pronostiques. Même si une limite d’âge est indiquée dans les directives, il ne s’agit que d’un repère à prendre en compte au cas par cas. Pour évaluer la fragilité, il existe différentes échelles avec chacune ses avantages et ses inconvénients. En principe, les directives de l'ASSM font référence à l'échelle de fragilité de Rockwood, qui a été développée pour les personnes âgées de 65 ans et plus. C'est toutefois le pronostic estimé pour chaque cas individuel qui est décisif.
Pourquoi est-il important de décider à un stade précoce si l’on souhaite être réanimé.e ou non dans la situation aiguë d’un arrêt circulatoire?
L’âge avancé, les comorbidités et la fragilité augmentent la probabilité de la survenue d’un arrêt circulatoire. Au plus tard lorsqu’une telle situation se présente, il est judicieux d’aborder la question de la réanimation – par exemple dans le cadre d’une planification anticipée concernant la santé – et de consigner la volonté du ou de la patient.e dans un document juridiquement valable. Pour être en mesure d’établir un pronostic réaliste, il est recommandé de consulter un.e expert.e. Toutefois les patient.e.s peuvent également consigner leur volonté d'une manière juridiquement valable sans l’aide d’un.e professionnel.le, par exemple, dans des directives anticipées. Un entretien entre la personne concernée ou son ou sa représentant.e légal.e, les proches et les professionnel.le.s de la santé peut s’avérer utile pour l’évaluation individuelle des risques et des bénéfices et pour soutenir la décision pour ou contre une réanimation. Une décision peut, même lorsqu'elle a été enregistrée, être modifiée à tout moment par le ou la patient.e capable de discernement. Cette modification doit également être documentée.
À quels éléments l'équipe de secours s’oriente-t-elle dans la situation aiguë d'un arrêt circulatoire?
En principe, l’exigence du consentement explicite à un traitement s’applique également aux mesures de réanimation. Un.e patient.e victime d’un arrêt circulatoire n’étant pas capable de discernement, il est impossible d’obtenir son consentement éclairé à ce moment-là. Dans une telle situation d'urgence, le Code civil suisse stipule dans l'article 379 que le ou la professionnel.le peut adopter des mesures médicales conformes à la volonté présumée et à l’intérêt de la personne incapable de discernement. Si la volonté (présumée) est connue, toutes les mesures doivent s’orienter dans ce sens. Pour autant que les circonstances (telles que les contraintes de temps, le lieu de l'arrêt circulatoire, etc.) le permettent, l’équipe de secours doit rechercher des indices permettant de déterminer la volonté (présumée) de la personne concernée. Si celle-ci refuse les tentatives de réanimation, aucune mesure de réanimation ne doit être entreprise. S’il n’est pas possible de déterminer la volonté (présumée) du ou de la patient.e, ses intérêts sont déterminants: la vie du ou de la patient.e doit, si possible, être préservée, mais les tentatives de réanimation doivent être interrompues si elles sont dénuées de sens.
Que signifient les emblèmes DNAR et à quoi engagent-ils?
DNAR est l’abréviation de «Do Not Attempt (Cardiopulmonary) Resuscitation», «réa-non» en français. Une personne indique ainsi qu’elle ne souhaite pas de tentatives de réanimation en cas d'arrêt circulatoire. Les emblèmes DNAR tels que les tampons apposés quotidiennement sur la peau ou les pendentifs expriment cette volonté. Les emblèmes DNAR n'ont pas la même force juridique que des directives anticipées, dont la validité est ancrée dans le Code civil suisse. Ils sont cependant une indication significative de la volonté (présumée) de la personne qui doit être respectée et l'équipe de secours peut, en situation d’urgence, s'y référer et renoncer à une tentative de réanimation. Un tampon est une signature personnelle, car, appliqué quotidiennement après la douche, il porte la date du jour et exprime donc la volonté actuelle du ou de la patient.e. Cependant, dans certaines circonstances, il peut arriver que l’équipe de secours doute que l’emblème corresponde à la volonté du ou de la patient.e, par exemple lorsque les proches assurent de manière crédible que la personne concernée a modifié sa volonté. Dans une telle situation, l’équipe de secours applique des mesures de réanimation.
Que se passe-t-il lorsque la volonté du ou de la patient.e n’est connue qu’après l’introduction des mesures de réanimation?
S'il s'avère, après l’introduction des mesures de réanimation, que celles-ci ne correspondent pas à la volonté (présumée) du ou de la patient.e, par exemple sur la base de directives anticipées ou de déclarations crédibles de représentant.e.s et/ou de proches, les mesures doivent être interrompues. Même si à ce moment, la circulation spontanée (ROSC, return of spontaneous circulation) a pu être rétablie, il faut s’orienter selon la volonté (présumée) de la personne concernée.
Les directives stipulent que les mesures déjà adoptées (par exemple intubation, ventilation) peuvent être poursuivies jusqu’à l’entrée à l’hôpital, sans toutefois introduire d’autres mesures de réanimation et en cas de nouvel arrêt circulatoire, aucune nouvelle mesure de réanimation ne doit être entreprise. Si, à ce stade, la ventilation du ou de la patient.e reste nécessaire, elle doit être interrompue et le ou la patient.e doit ensuite bénéficier d’une prise en charge visant uniquement à soulager les symptômes. On peut supposer qu’une personne qui a refusé une réanimation pour éviter les risques à long terme (par exemple séquelles neurologiques) ne changera pas sa volonté dans cette situation. L’aspect déterminant (également sur le plan juridique) est le suivant: après un rétablissement de la circulation spontanée, les risques de séquelles à long terme, que le ou la patient.e voulait éviter en s’opposant à la réanimation, subsistent.
Est-il toujours pertinent d’appliquer des mesures de réanimation lorsque la personne concernée le souhaite, respectivement lorsque sa volonté n'est pas connue?
La décision pour ou contre une réanimation et sa documentation dans le dossier du ou de la patient.e sont lourdes de conséquences. Dès lors, chaque décision doit reposer sur les principes éthiques d’une bonne pratique médicale. Il s’agit, entre autres, du respect de l’autonomie d’une personne et du respect des principes de bienfaisance et de non-malfaisance. Ceux-ci visent à préserver la vie dans la mesure du possible, mais aussi à renoncer aux efforts de réanimation s’ils sont dénués de sens. Les directives stipulent que du point de vue de l’éthique, les mesures de réanimation dénuées de sens ne sont pas justifiées. Elles éprouveraient inutilement le ou la patient.e et ne feraient que prolonger son agonie.
Réanimation durant un transport médicalisé
La question de la réanimation peut aussi se poser pendant le transport médicalisé d’un.e patient.e. L’opinion, en partie controversée, selon laquelle une réanimation devrait systématiquement être pratiquée lors d’un tel transport, en l’absence de directives anticipées valables l’excluant, n’est pas défendable. Cela vaut la peine d’étudier ce cas avec attention, car la situation juridique entre la personne prise en charge ou traitée et le professionnel.le de santé peut varier. Regina Aebi-Müller, membre de la Commission Centrale d’Éthique de l’ASSM, et Sarah Wildi ont publié un article instructif sur le sujet.
Exemple de cas
L'exemple pratique suivant a été publié dans la revue Primary and Hospital Care dans le cadre d’une série d’articles destinés à la présentation d’une sélection de directives. À l'aide d’exemples tirés de la pratique quotidienne des médecins, les lectrices et les lecteurs sont initiés aux différents thèmes. La 7e partie de cette série est consacrée aux décisions relatives à la réanimation.
Vous trouverez ici tous les exemples de cas liés à des directives médico-éthiques, telles que l’attitude face à la fin de vie et à la mort, les soins palliatifs ou les directives anticipées, qui ont été publiés à ce jour.